Feelgood challenge 33: CANCER, INTIMITÉ ET SEXUALITÉ.
L’intimité et la sexualité pendant le cancer, et notamment le cancer du sein, reste encore un tabou, un sujet trop souvent relégué au second plan. La vie intime est pourtant essentielle au bien-être du malade et à sa qualité de vie.
LES EFFETS DU CANCER SUR LA VIE INTIME :
LES EFFETS SUR LE CORPS
Le cancer et les traitements anti-cancéreux engendrent des modifications majeures du corps, certaines temporaires, d’autres définitives.
-La chirurgie, au-delà des douleurs et de la fatigue, elle est souvent le symbole d’une mutilation aux nombreuses conséquences. Perte de volume, la perte d’un sein, cicatrices disgracieuses, la chirurgie y compris reconstructrice entraîne des changements corporels irréversibles qui impactent la féminité et la vie intime.
-La chimiothérapie a de nombreux effets indésirables plus ou moins visibles : chute des cheveux, des poils, peau sensible, nausées…et bouleverse également le fonctionnement des ovaires. Le cycle menstruel est souvent interrompu, les symptômes de la ménopause induite, apparaissent : bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, mycoses. D’autres muqueuses du corps peuvent également être affectées comme la cavité buccale provoquant des mucites.
-La radiothérapie peut affecter le corps par la présence de troubles cutanés et de brûlures au niveau de la zone irradiée. Pratiquée dans la zone pelvienne, elle peut entraîner une ménopause et/ou une stérilité partielle ou définitive.
-L’hormonothérapie perturbe l’équilibre hormonal et précipite les symptômes de la ménopause : perte de lubrification vaginale, perte de souplesse et vulnérabilité accrue de la muqueuse vaginale, syndrôme génito-urinaire.
LES EFFETS SUR L’ESPRIT
illustration Lili Sohn
Le cancer a également des retombées sur le bien-être psychique.
L’annonce de la maladie nous fait prendre conscience brutalement de notre vulnérabilité, de notre mortalité. L’anxiété, le stress, la peur de mourir prennent une place importante et nous rendent bien souvent indisponible psychiquement pour le reste.
Dans une société où le paraître est important, les changements corporels liés aux traitements et/ou chirurgies nous apparaissent comme une blessure physique, mais aussi narcissique. L’estime de soi et la féminité sont mises à rude épreuve.
Affronter sa propre image dans le miroir et dans le regard de l’autre est particulièrement difficile. Durant la période des traitements, ma salle de bain était devenue un lieu de souffrance morale et physique, je me sentais une femme différente, presque étrangère dans mon propre corps.
L’altération de l’image de soi a des répercussions dans notre vie relationnelle, intime et sexuelle. Comment accepter ce corps qu’on ne reconnaît plus ? comment le considérer comme un objet de désir?
La tumorectomie a été pour moi une épreuve physique et morale. Même si le chirurgien avait réalisé un beau travail, il était clair qu’aucune relation intime n’était possible, j’étais mutilée et je souffrais.
COMMENT PRÉSERVER UNE VIE INTIME MALGRÉ LA MALADIE :
SOULAGER LA SÉCHERESSE VAGINALE ET VULVAIRE
La sécheresse vaginale est un problème courant chez les femmes touchées par le cancer. Certaines chimiothérapies et traitements anti-ostrogéniques vont agir directement sur la muqueuse vaginale, d’autres auront une action indirecte en la privant de l’action des œstrogènes. Le tissu vaginal s’amincit et ne produit plus une lubrification naturelle suffisante, ce qui entraîne sécheresse, saignements et douleur.
Le choix d’un soin adapté et spécifique est primordial. Les gels douches classiques, trop alcalins, et/ou contenant du savon sont trop agressifs pour votre peau fragilisée.
Linda Berkani, Directrice R&D :
Privilégier un soin d’hygiène intime adapté qui lave délicatement, apaise et limite la sensation de sécheresse.
Il concilie agents nettoyants doux et fragrance délicate. L’acide lactique contenue dans ce soin maintient un PH faible de la zone intime(inférieur à 5,5) et favorise la croissance des lactobacilles protecteurs. Ces ingrédients filmogènes miment le film hydrolipidique procurant ainsi une sensation de confort immédiat et durable.”
–Utiliser des soins hydratants vaginaux riches en acide hyaluronique
Naturellement présent dans l’épithélium vaginal, l’acide hyaluronique a la propriété de retenir les molécules d’eau et permet ainsi de réhydrater la muqueuse vaginale. Il préserve aussi les tissus contre l’assèchement et regonfle les muqueuses. Pour une bonne efficacité, il est nécessaire de renouveler le traitement régulièrement, à raison de deux à trois fois par semaine.
–Les infiltrations d’acide hyaluronique dans la paroi du vagin
Dérivée des techniques utilisées en médecine esthétique pour combler les rides d’expression, ces infiltrations, réalisées en cabinet, permettent de régénérer et de réhydrater la muqueuse pendant environ 8 mois. C’est une méthode efficace, mais qui n’est pas pris en charge par l’assurance maladie. Il faut compter environ 400 euros pour une séance.
–Le laser CO2 fractionné
Les lasers fractionnés sont utilisés depuis plusieurs années par les dermatologues pour remodeler les cicatrices et les ridules fines, redonnant ainsi à la peau traitées sa souplesse et son hydratation ; l’idée est donc naturellement apparue de les utiliser pour restaurer la trophicité du vagin.
Introduit dans le vagin jusqu’au col de l’utérus, le laser provoque une micro abrasion indolore, obligeant la muqueuse à refabriquer des fibres élastiques, des fibres de collagène, de l’acide hyaluronique et des microvaisseaux sanguins. Une véritable révolution dans la prise en charge de l’atrophie vaginale et ses nombreuses conséquences sur la sphère uro-génitale.
Cette technique est peu répandue en Belgique et extrêmement onéreuse.
COMMUNIQUER, SE RÉINVENTER, S’AIMER
-La sexualité : en parler
Dans le cadre du cancer, la sexualité est souvent abordée de façon secondaire, et/ou superficielle, pourtant il est important d’en parler.
La communication au sein du couple est primordiale. Il est nécessaire d’échanger avec votre partenaire, d’exprimer vos ressentis, vos préoccupations vos craintes, vos difficultés, vos questions, vos besoins …
En ayant connaissance de vos inquiétudes, votre conjoint sera mieux à même de vous rassurer.
Même si le sujet de la sexualité en oncologie reste encore tabou, les professionnel-le-s et les associations commencent à en parler davantage.
N’hésitez pas à prendre rendez-vous auprès de ces professionnel-le-s pour parler de vos craintes et/ou difficultés.
L’amour et la sexualité ont un rôle à jouer dans la prise en charge du cancer. Ils permettent de “se réconcilier avec son corps, prendre conscience qu’il peut être source de plaisir, et non uniquement de violence”. (Catherine Adler-onco-sexologue)
Je me souviens avoir eu des larmes de bonheur lors de ma première relation intime après la chirurgie. Pour la première fois après plusieurs semaines mon corps me procurait autre chose que de la douleur. Les gestes de tendresse et d’intimité sont importants pour contrer les effets délétères d’un cancer. C’est une source d’émotions, une source de vie!
-reconquérir l’estime de soi
Une femme touchée par le cancer, même lorsque ses traitements sont terminés, porte sur elle et en elle des cicatrices dont certaines sont invisibles et indélébiles.
Si elle est debout, elle reste fragilisée par une épreuve qui marque un avant et un après. Elle a fait le deuil de sa santé et d’une partie de sa féminité.
Retrouver sa féminité, se sentir à nouveau à l’aise avec son corps, ré-apprivoiser son image, peut prendre du temps.
Les socio-esthéticiennes et esthéticiennes peuvent également vous aider à regagner confiance en vous, à réapprendre à prendre soin de vous, à être touchée, à renouer avec votre corps.
POUR CONCLURE
Dans la majorité des cas, le cancer du sein n’est plus une maladie fatale. Après le cancer, il ne s’agit pas de survivre, mais belle et bien de vivre. Or, les solutions proposées pour préserver l’intimité des femmes sont à la fois inefficaces et non remboursées.
Les solutions classiquement utilisées lors de la ménopause (Traitement Hormonal Substitutif oral ou locale) sont proscrites dans le cas des cancer hormono- dépendants, les femmes se retrouvent dans une impasse. Pourtant, il existe de nouvelles stratégies, telles que la régénération vulvo-vaginale et l’acide hyaluronique, mais ces méthodes sont peu répandues et non remboursées par l’assurance maladie.
Auditionnée au Sénat par le Groupe d’Étude sur le Cancer en juin 2019, je milite pour que ces techniques onéreuses, ne soient plus réservées aux privilégiées ayant les moyens financiers et l’accès à l’information, mais soient généralisées et remboursées par la Sécurité sociale.
J’espère de tout coeur que ma voix permettra d’ouvrir la voie à toutes les femmes réduites au silence, à la culpabilité et la souffrance de ne plus se sentir femme.
Isabelle Guyomarch
Isabelle Guyomarch est une professionnelle passionnée et aguerrie dans les univers pharmaceutique et de la cosmétique quand elle est touchée par un cancer du sein en 2013. En 2017, elle crée Ozalys, une marque de dermo-cosmétiques créée par des femmes pour les femmes touchées par le cancer.
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